Le courage de partir

Publié le par badiaano

 

     Partir est ce qu’il faut quand rester ne présage rien de bon. Oui partir sans trop se soucier du retour tant l’horizon semble beau, mais aussi et surtout parce que le mystère du lendemain a toujours ce côté charmant que la laideur d’un quotidien on ne peut plus décevant ne saurait nullement estomper. Faire ses valises, dire adieu et s’en aller tranquillement. Peut-être un peu trop facile à dire. Et pourtant le faut-il vraiment. En réalité, plus qu’un simple désir, l’exil, par la force des choses, est devenu une impérieuse nécessité, une exigence cruelle dont la satisfaction emporte le choix de toute une vie.

     Partir dès lors pour fuir un oppressant quotidien, mais aussi de peur de se faire rattraper par l’ogre HIER. Et le souvenir de quelques doux moments du passé n’est pas pour faciliter les choses. Peu importe cependant car, à y voir clair, la facilité ici-bas n’est qu’illusion. L’heure est donc venue d’enfourcher le cheval de la souffrance pour un galop en direction de ce FUTUR perché sur les lointains sommets de l’incertitude, de migrer vers des territoires hostiles afin d’y dompter la faim et le besoin. L’essentiel étant de pouvoir partir sur de nouvelles bases, d’attiser ce feu qui depuis toujours, nos rêves, embrase.

     Partir donc d’un pas résolu et accéléré à la rencontre du soleil naissant pour y cueillir l’accomplissement à son aurore.  Et ensuite accepter le sacrifice de veiller sur ses acquis afin de ne jamais les voir décliner au crépuscule. En vérité, le prix à payer pour extirper cette existence engourdie de son simulacre de sommeil se résume à une violence sur soi que seul le désir suicidaire du kamikaze pourrait égaler. Réussir le pari de s’éloigner à tout jamais du doute de soi et de ses capacités, voilà la raison de cet ultime sacrifice dont les effets ne manqueront certainement pas d’affecter les générations futures.

     Quitter les sentiers battus sans pour autant renier l’héritage laissé par le dur labeur des pisteurs légendaires ; l’envie de s’ouvrir de nouvelles perspectives n’empêchant en rien la reconnaissance du mérite du prédécesseur. L’idée en réalité est juste d’oser se frayer un nouveau chemin dans les fourrés  encore vierges de ces jungles citadines, de trouver une branche à soi, à la hauteur de ses ambitions, sur l’arbre ancestral de la persévérance. Et pour venir enfin à bout d’une expectative quasi inamovible, offrir en sacrifice sur l’autel du renouveau les vieux démons de cette patience pathologique.

     Partir à travers les mers et les océans à la recherche d’autres rivages et de nouveaux continents. Naviguer courageusement contre vents et marées en quête d’îles perdues ou de terres jusque-là inconnues. Sillonner les mers dans le dédale des terres déjà cartographiées à l’affût du moindre îlot qui ne le serait pas encore. Et une fois l’ancre jetée sur ses côtes vierges, débarquer toute sa passion et son espérance pour, du néant, faire jaillir une vie nouvelle. Les exploits des valeureux navigateurs d’hier ainsi que les aventures des pirates intrépides trouveront dans cette expédition téméraire un digne écho.

     Prendre son envol tel un faucon d’Arabie, du bras du généreux maître pour une aventure dans le vaste désert. Oui accepter enfin de quitter le nid douillet de cette enfance au vert et avoir le courage de parcourir tout seul les lignes de ce grand livre ouvert. Peut-être que le sens des écrits s’y révèlera mieux que sous la lecture lassante de répétiteurs prétentieux à outrance. S’éloigner de l’oasis familial pour aller marquer de ses empreintes jusque-là inconnues l’éternelle étendue de sable fin. Parcourir le désert, pieds et mains nus mais le cœur grassement nourri d’espoir à la quête des caravanes de la réussite.   

     S’en aller le cœur gros sur une douloureuse note d’incompréhension et la hantise de ce silence assourdissant pour la gloire et le salut des protestataires avec comme unique compagnon de route, cette fidèle solitude rencontrée depuis la tendre enfance. Marcher sans arrêts, d’un pas alerte et même courir, d’une vitesse folle, à en perdre le souffle, pour un sprint final vers l’olympe des rêves et des passions à assouvir. Et peut-être une fois à l’abri de ce confort nuisible, du haut de mon saint refuge, jeter en guise d’aumône un dernier regard rétrospectif et inquisiteur sur cet océan de fiel.

     Partir enfin juste pour un petit voyage en attendant d’effectuer le grand, car il faut souvent accepter de mourir de chagrin pour ne point mourir de honte. Partir en direction du pire à la recherche du meilleur avec la conviction que le bonheur est ce joyau niché au creux d’un écrin nommé souffrance auquel on n’a accès que grâce à cette clé tant redoutée qu’est le sacrifice. Oui partir, juste partir, partir sans trop réfléchir pour un ultime don de soi ! Car le noble dessein d’un retour triomphal au bercail ne laisse pour l’heure aucune place à la moindre appréhension. En vérité, l’obsession du moment, c’est d’AGIR !

 

                                                                             Badiaano.

 

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