Rêve d’exil

Publié le par badiaano

                                                  

     La voix du vieux pèlerin me parvint au moment où naissait l’aurore. Feutrée, mais sûre, elle appelait sans détours à l’exil. Je sursautai en l’entendant et, dans un mélange confus de joie et de peur, gagnai la porte de la cabane au seuil de laquelle me salua une brise légère. Il faisait beau dehors. La forêt avait sans doute décidé de révéler tout son charme. La rosée et le vent y rivalisaient de tendresse pendant que les deux luminaires mariaient en silence leurs lueurs.

     Toutefois, le calme plat qui régnait ainsi jurait avec le tumulte qui, à ce moment, assiégeait les profondeurs de mon être. Je respirai profondément comme pour dompter l’orage qui secouait mes entrailles et résolus de franchir le pas de la porte. Une occasion se présentait à moi que je me devais de saisir, une ultime chance d’échapper à mes bourreaux.  En effet, je préférais de loin l’exil à la condamnation que me réservaient mes accusateurs. Je sortis donc.

     L’herbe que mes pas réveillèrent pleura amèrement mon départ. Et ces larmes d’adieu qui mouillèrent mes pieds me révélèrent que je n’avais pas eu le temps de mettre des chaussures adéquates. Pour une fois l’urgence pris le dessus sur la minutie. Ma détermination à suivre le vieux pèlerin en était sans conteste. Un départ pour l’exil ; l’exil pour un nouveau départ. Un voyage vers le levant avec comme unique compagnon le vieux inconnu. Un envol dans le sens opposé du vent, juste une marche en avant. Et mes premiers pas se firent dans la douleur. Loin des tendres et innocentes années où mes titubations furent soutenues, le bras scélérat que me tend la solitude en cette aurore ne put hélas m’empêcher de chanceler. Je chutai. Mais une ombre vint aussitôt me couvrir comme pour me soustraire aux éventuels regards indiscrets et moqueurs. Ma honte ainsi voilée, je trouvai le courage de lever la tête pour voir la main que me tendait le vieux inconnu. Il m’aida à me relever et nous reprîmes ensemble le chemin. Il ouvrait la marche d’un pas alerte, avec une vigueur qu’il aurait dû perdre depuis au moins deux décennies déjà. Par conséquent je lui emboitais le pas presque en trottinant. Avec un tel rythme, nous fîmes, après une demi-journée de marche, à une bonne distance de mes poursuivants. Nous étions loin et moi, j’étais sauvé.

     L’accusé ne sera donc pas présenté au tribunal des préjugés et des idées reçues. Le procès de la honte n’aura pas lieu. A moins qu’il ne soit décidé de ma condamnation par contumace. De toute façon ils auront déjà sali mon nom. La rumeur publique s’étant toujours montrée sceptique face à l'acquittement prononcé en faveur de l’accusé. La faute à une présomption de culpabilité qui a fini par être érigée en règle.

 

                                                                 Badiaano

 

 

 

  

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